Véto équin, métier de femme ?

22/12/2023

Vie de l'Association

Ça y est, la mouture 2023 de l’atlas démographique est enfin parue, et les nouvelles sont plutôt bonnes, avec une progression continue du nombre de vétérinaires inscrits au tableau de l’ordre.

Proportion stable pour l’activité équine, avec 15 % des vétérinaires déclarant soigner au moins un cheval de temps en temps, et un tiers de ces déclarants avec une activité équine dominante.

Parmi eux, 57.6 % sont des femmes, presque la parité !

C’est un peu plus loin que le bât blesse… Quand on s’intéresse aux écarts de rémunération entre les hommes et les femmes. Et sur ce terrain glissant, il faut rester factuel et regarder de plus près les chiffres, et les études qui commencent à sortir. Il est plus qu’urgent de s’y intéresser, quand on s’aperçoit qu’en équine, mais aussi dans les autres disciplines, les femmes représentent plus de 65% des vétérinaires de moins de 40 ans. En médecine vétérinaire, la femme est donc l’avenir de l’homme, comme disait le poète, qui a toujours raison selon la chanson.

Soyons donc factuels, et réservons une lecture subjective pour la fin de cet article.

L’atlas démographique est sans appel : les revenus moyens déclarés en exercice libéral (associé, collaborateur libéral, véto solo) pour l’activité équine sont les plus faibles (hormis ceux sans activité déclarée, donc à moduler de ce paramètre), et les inégalités selon le genre sont considérables, et maximales en équine.

Pour comparer, les mêmes inégalités existent aussi pour les autres activités, mais dans des proportions moindres.

L’atlas rappelle que les inégalités salariales selon le genre existent aussi chez les vétérinaires salariés, dans une mesure inférieure à ceux en exercice libéral.

Et maintenant ?

Il faudrait s’intéresser aux causes. Objectivement, scientifiquement, ce qui est, nous le savons, sur ce genre de sujet un exercice difficile.

Première cause envisageable, les hommes sont sur-représentés dans les tranches d’âge élevées, vétérinaires d’expérience donc avec une meilleure rémunération. Cependant, les écarts existent aussi lorsqu’on compare par tranche d’âge.

Deuxième possibilité, le temps de travail. Et ce paramètre est très difficile à mesurer chez les libéraux… En effet quand la journée d’un chef d’entreprise s’arrête-t-elle ?

Si l’on s’intéresse aux postes salariés, c’est plus simple : chez les vétérinaires, en 2020, les postes salariés à temps partiel représentaient 27 % des postes chez les femmes, contre 20 % chez les hommes selon l’atlas 2023. La surreprésentation du travail à temps partiel chez la femme existe donc aussi chez les vétos. C’est une problématique largement étudiée à échelle de la population française. Et si le choix d’un individu sur la répartition temps professionnel et temps personnel est privé et respectable, il convient tout de même de s’assurer de la totale liberté de choix, s’opposant à un conditionnement sociétal.

Afin d’éviter le parti pris sur cette question épineuse, il est intéressant de citer le ministère du travail.

A ce sujet, la DARES (Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques) explique dans une étude parue en 2020 sur les informations INSEE de 2013 à 2016 que dans les métiers féminisés, « le temps partiel « choisi » concerne davantage les femmes, et répond à des motivations différentes pour chacun des sexes : familiales pour les femmes, professionnelles pour les hommes. Pour eux, le recours au temps partiel semble lié à l’organisation du travail, ce qui est moins évident pour les femmes. ». CQFD.

L’objectivité conduirait à penser qu’il faut encore creuser, analyser, en particulier pour la profession vétérinaire. En équine particulièrement, il serait intéressant de s’intéresser à la proportion de vétérinaires en exercice individuel, modèle globalement moins rémunérateur que l’association (à échelle de la profession en général), mais rencontré fréquemment en équine.

Pourquoi ne pas tester l’hypothèse de l’impact de l’éducation (fonction du genre) sur la capacité d’un adulte à estimer la valeur de son travail ? Pourquoi ne pas continuer d’évaluer les effets de cette fameuse et décriée « charge mentale » sur la rémunération des femmes vétérinaires ? Fin de la digression féministe.

Et les équins dans tout ça ?

Nous savons tous à quel point il est difficile de recruter de jeunes vétérinaires. Chose surprenante, la question de la rémunération n’apparait quasi jamais en premier dans les raisons d’abandon d’un poste (ou de la profession), que ce soit en France et même dans le monde. Et pourtant les liens indirects sont nombreux. Être rémunéré à la hauteur de son travail et de ses compétences permet aussi de travailler moins qu’un temps plein classique de véto équin à 50 heures, permet aussi d’embaucher des collaborateurs pour alléger ses journées, perpétuer une forme de mentorat indispensable …

Valorisons nos savoirs, nos compétences, notre profession… quel que soit notre genre.

Charlotte Firidolfi, vétérinaire et membre du Conseil d'Administration de l'AVEF 

Un peu de lecture…