Conférence AVEF Jr de Lyon : Diagnostic et Pronostic de l’arthrose

08/12/2023

AVEF Junior - Non classé

Le fin de l’année approchant à grands pas, l’AVEF Jr de Lyon vous propose de revenir sur les derniers évènements organisés chez eux.

L’année scolaire a commencé par une conférence sur la « gale de boue » présentée par Dr Marion Mosca, le 17 octobre à 19h. Nous avons repris pas à pas la démarche diagnostique face à ce que nos propriétaires appellent « gale de boue » afin de ne plus confondre aucun affection dermatologique !

Les étudiants lyonnais ont ensuite pu découvrir le Haras de Beligneux le 16 novembre (Article publié), avant que les premières années assistent au TP de l’examen clinique du cheval, présenté par  le professeur J.-L. Cadoré. Ce premier TP a eu lieu le 23 novembre au LERC. Une vingtaine d’étudiants ont pu en profiter pendant les deux sessions proposées. Ils ont appris les repères anatomiques importants et les gestes techniques fondamentaux de l’examen clinique (observation, palpation, percussion, auscultation).

Enfin, le 15 novembre à 19h, Dr M. Schramme et Dr M. Gangl ont présenté une conférence sur le diagnostic, les traitements et le pronostic de l’arthrose. Environ 30 étudiants étaient présents en amphithéâtre à Lyon et environ 25 personnes ont suivi la conférence en distanciel. Le replay sera disponible sur la plateforme.

Introduction

Quelques conseils pour commencer :

  • Le repos peut être mauvais pour les athlètes
  • Il faut éviter les changements de routine (hauteur d’obstacle, ferrure, etc)

Le moindre changement dans les habitudes du cheval de haut niveau peut déclencher une décompensation de problèmes subcliniques.

Bien sûr, le sport entraine un risque de maladie dégénérative.

 

Première partie : Approche théorique

Les différents types d’arthrose

Manifestation de l’arthrose lié à l’âge

  • Arthrose du boulet

Remaniements de l’os sous chondral induits par l’exercice répété

Diagnostic par IRM

  • Éparvin tarse
  • Arthrose AIPD

Du a un trop grand nombre d’infiltrations dans l’articulation : « osteoarthrosis medicamentosa »

  • Arthrose du Grasset

Problème secondaire à une lésion méniscale

  • Arthrose des articulations synoviales intervertébrales

Arthrose des articulations cervicales

Arthrose des articulations thoracolombaire : avec le développement du scanner debout, on obtient de meilleures images donc cela est plus diagnostiqué qu’avant.

Arthrose des articulations sacroiliaques

 

Traitement

Objectif

  1. Gestion de la douleur (pour performer)
  2. Contrôle de l’inflammation (attention à soigner la cause)
  3. Maintenance de la fonction articulaire (physiothérapie et exercices légers à faible résistance – aquathérapie)
  4. Changements dans le régime d’exercice et l’entraînement : baisser la fréquence de compétitions, diminuer l’effort
  5. Médicaments intra-articulaires et chirurgie

 

Pourquoi sélectionner un médicament ?

  1. Puissance anti-inflammatoire
  2. Puissance analgésique
  3. Puissance viscosupplémentation
  4. Risque d’infection
  5. Puissance chondroprotectrice : prévention de la progression de la dégénération cartilagineuse et support de la guérison du cartilage
  6. Détection dopage

On peut différencier dans ces traitements les DMOADS (Disease Modifying Osteoarthritis Drugs) et les SMOADS (Structure Modifying Osteoarthritis Drugs).

 

Bisphosphonates

Tildren : il régule le métabolisme osseux par inhibition de la résorption osseuse. En effet, il bloque l’activité des ostéoclastes (+ analgésie dans l’os)

Attention aux indications : il est souvent utilisé à tort et sur utilisé

Selon les études, la signification clinique n’est pas très bonne.

 

Calcium dobesilate

Doxium : le but est d’améliorer la perfusion de l’os sous chondrale de l’articulation arthrosique qui présente une congestion veineuse.

 

Corticostéroïdes

Ce sont les plus puissant des anti-inflammatoires. Ils sont plutôt lipophiles.

On utilise la triamcinolone pour les articulations à haute mobilité et le  betamethasone (kenacort). Le depomedrol est moins utilisé car entraine l’ankylose du jarret tout en entrainant la perte de la matrice. En effet, il entraîne la suppression du métabolisme des cellules inflammatoires mais aussi des cellules normales de l’hôte.

On combine ce traitement avec 2 semaines de repos et on évite les doses répétées.

Attention, il y a un risque important de fourbure par effet systémique sur les chevaux de dressage (gros gabarit) et les poneys.

Doses recommandées : 20mg de triamcinolone pour un cheval moyen et jusqu’à 30mg pour un galopeur.

Il faut réduire les doses s’il existe des facteurs de risque : poneys avec antécédents de fourbures, chevaux de dressage en surpoids…

Il faut aussi éduquer les propriétaires sur les injections de « maintenance » : l’injection intra-articulaire aux corticostéroïdes n’est pas un acte anodin.

 

Acide hyaluronique

Le but est de développer la visco-supplémentation car la viscosité du liquide synovial est un facteur important.

Cela est aussi utilisé en humaine : 3 injections avec au moins une injection de corticoïdes au début pour éviter une réaction chimique (synovite).

En équine, on combine aussi les deux car l’acide hyaluronique seul n’est pas suffisant alors qu’ajouté aux corticoïdes, on observe un effet chondroprotecteur. Cela reste peu concluant.

 

Polyacrylamide Hydrogel

Les résultats sont encourageants mais on ne connaît pas le mécanisme d’action. Ce ne serait pas vraiment de la viscosupplémentation mais il boosterait plutôt la production de collagène par les cellules.

Suite à son utilisation, on observe la présence de cellules géantes (corps étranger) et de fibrose donc plutôt un effet pro-inflammatoire pourtant on observe une diminution de la boiterie jusqu’à deux ans après l’injection. Il n’y a pas d’AMM pour cette utilisation en équine.

 

Rofenid Ready

Il n’y a pas d’AMM pour l’injection intra articulaire mais cela est utilisé en équine car il n’y aurait pas l’effet néfaste des corticoïdes.

 

Thérapies régénératives / biologiques

  • IRAP : sérum autologue conditionné par des billes en verre pour concentrer des protéines anti-inflammatoires qui bloquent les récepteurs des interleukines 1 beta. Cela n’est pas détectable au dopage
  • PRP : plasma riche en plaquettes (fragments cytoplasmatiques de cellules précurseuses de la moelle osseuse qui agissent comme facteurs de croissance)

Il existe une énorme variabilité dans les systèmes de préparation, entre les chevaux et pour le même cheval selon la période de la journée.

  • ProStride : combinaison PRP/IRAP

Au moins 10 injections sont nécessaires pour avoir un effet.

  • Cellules souches mésenchymateuses

Forme autologue : cela se fait en plusieurs étapes et le processus est assez compliqué (risque de toucher le cœur)

Il existe différentes présentations : des cellules souches mises en culture à partie du cordon ombilical et qui se conservent au congélateur (Ombistem : allogenic umbilical cord-derived), des cellules souches d’une seule jument (Arti-Cell Forte est le seul commercialisé mais la concentration de cellules souches est faible (2 millions au lieu de 10 millions)).

Il manque des preuves d’efficacité pour les thérapies régénératives mais ce sont les moins nocifs et elles ne sont pas détectables au dopage.

Il y’a aussi tout un flux de nouveaux produits surtout aux Etats-Unis :

  • Alpha2EQ : utilisation en croissance mais il y’a un conflit d’intérêt

Les macroglobulines sont censées capter les protéases (enzymes délétères) et les éliminer de l’articulation par la circulation.

Il n’y a pas d’arguments scientifiques en faveur.

  • InGeneron
  • Pulpcyte

 

Deuxième partie : cas cliniques

Cas 1 : Acla 

Gêne au pas et boiterie visible au trot

A la radio, on observe un amincissement et du remaniement osseux au niveau de l’interphalangienne distale.

Une injection de 15mg de triamcinolone est réalisée. Il est conseillé au propriétaire de donner des AINS PO à faible dose en cas de récidive. On ne renouvelle pas l’injection avant 6 mois.

D’autres conseils sont donnés pour gérer l’environnement et le quotidien du cheval :

  • Eviter l’immobilité en box
  • Travail régulier mais léger (ne pas perdre la musculature et assouplir le cheval – éviter le surpoids)
  • Sur terrain souple, régulier (Une sollicitation irrégulière aggrave le processus)
  • Échauffement au pas important
  • Éviter les virages serrés
  • Parage : équilibre latéro-médial et dorso-palmaire (surtout pour IP distale) de manière régulière car le cheval peut être à nouveau gêné en fin de parage
  • Ferrure : fer léger (alu) type full rolling qui facilite le déroulement du pied pour limiter la compression asymétrique (si le fer est trop lourd, il augmente la flexion)

Autre possibilité (articulation « low-motion ») : on peut réaliser une arthrodèse pour immobiliser l’articulation dans la région IP distale ou sur le tarse ou carpo-métacarpienne. On peut bloquer l’articulation avec une plaque et deux vis ou en injectant mais ce dernier choix est moins sûr que la chirurgie. On observe de meilleurs résultats sur les membres postérieurs même à bon niveau sportif avec l’arthrodèse. Pour les chevaux de loisirs, on a des bons résultats sur les antérieurs et les postérieurs.

 

Cas 2 : Ginger

CSO cycle classique

Boiterie AG insidieuse (grade 1/5 : au trot sur terrain dur en ligne droite et cercle G)

On observe un léger remodelage osseux à la radio.A  l’IRM, un pseudo kyste (lésion ostéochondrale focale) dans la partie médiale du MCP est mise en évidence.

Cause potentielle : légère fracture ou lésion cartilagineuse remplacée par du liquide synovial

Traitement primaire : Débridement arthroscopique

Traitement secondaire et gestion de l’arthropathie secondaire : injection intra-articulaire de corticoïdes et d’acide hyaluronique

On aurait pu essayer du stanozolol  ou de l’hydrogel de polyacrylamide.

On conseille de gérer le travail avec des efforts différents et de limiter la pression articulaire : il faut alors bien choisir ses concours et son programme. A la maison, il doit travailler sur un sol de bonne qualité et régulier, pas trop dur. On suit de près le parage et la ferrure.

 

Quid des compléments alimentaires ?

Ils sont très répandus notamment pour l’arthrose et la gamme de produits disponibles est étendue. Cependant, il y a peu de vraies analyses scientifiques faites sur le sujet et il faut donc se poser les bonnes questions avant leur utilisation (meta-analyse). On en vient à ces questionnements :

  • Pertinence de l’article, quelle méthode d’évaluation ?
  • Divergence entre contenu réel et l’étiquette
  • Quelle est l’absorption réelle dans la circulation et dans le liquide synovial (peu de preuves)
  • Beaucoup d’extrapolation inter-espèces (lapin -> cheval)
  • La concentration dans la localisation n’est pas synonyme d’efficacité
  • Évaluation subjective sur les chevaux des clients (des mesures objectives sont maintenant possibles avec les capteurs et les applications)
  • Nombre de sujets relativement faible
  • Nombreux conflit d’interêt car les études sont souvent sponsorisées par les labos

L’harpagophytum (plante d’Afrique) est très utilisé par exemple. Il y a eu des recherches en humaine apportant quelques preuves scientifiques mais il n’y a que très peu de preuves en médecine vétérinaire.

 

Conclusion :

 A partir de cela, on peut mettre en place un algorithme afin d’aider à la décision :

  • Boiterie légère a modéré : corticoïdes +acide hyaluronique
  • Articulation trop souvent infiltrée : arthramidVet ou un orthobiologique
  • Blessures de tissus qui doivent guérir : orthobiologique avec repos relatif
  • IRAP : il faut avoir le temps pour plusieurs injections/semaines
  • Prostride

A cela s’ajoute une gestion fine de l’environnement et du cheval présentant de l’arthrose. Comme nous l’avons vu dans les cas cliniques, l’arthrose ne touche pas que les « vieux » chevaux, il est donc important de le diagnostiquer assez tôt pour mettre en place le plus rapidement possible des mesures environnementales limitant l’avancée du processus.

 

Évènement à venir 

Le 19 décembre : conférence en reproduction par Dr Laurent Mangold sur « Les 10 erreurs à éviter en gynécologie équine pour le vétérinaire junior ».

 

Nous remercions tous les intervenants qui ont participé aux projets AVEF Jr cette année et tous ceux avec qui nous travaillons pour les projets à venir, ainsi que l’équipe de l’AVEF qui nous soutient et nous aide au quotidien. Un grand merci !

D’autres évènements sont à venir à Lyon et dans les autres écoles. Restez connectés !