Anémie Infectieuse des Équidés : rappel des enjeux sanitaires
30/05/2025
Pratique
La maladie
L’anémie infectieuse des équidés (AIE) est une maladie virale grave présente sur tous les continents, pour laquelle aucun traitement curatif ni vaccin n’existe à ce jour. L’agent responsable, le virus de l’AIE, appartient à la famille des Retroviridae, genre Lentivirus, tout comme le Virus de l’Immunodéficience Humaine (VIH).
La transmission du virus se fait principalement par des insectes hématophages (vecteurs mécaniques), ou par voie iatrogène via du matériel contaminé. Entre le moment où l’insecte piqueur interrompt son repas sur un équidé infecté par le virus de l’AIE et le moment où il va piquer un autre équidé, le virus présent dans sa cavité buccale reste infectieux pendant au moins trente minutes, même s'il ne se multiplie pas. Après la primo-infection, la maladie évolue en trois phases : une phase aiguë (fièvre, amaigrissement, thrombocytopénie), une phase chronique marquée par des épisodes fébriles récurrents, puis une phase asymptomatique. Durant cette dernière, les équidés infectés portent à vie le virus et constituent donc le réservoir viral de cette maladie, risquant ainsi de transmettre le virus à leurs congénères.
En France, la réglementation impose l’euthanasie des équidés infectés afin de limiter la propagation du virus, ce qui a un impact considérable sur le secteur équin. Le diagnostic clinique étant peu spécifique, le recours au diagnostic différentiel en laboratoire est indispensable. Le test officiel, décrit dans la norme NF U47-002, est le test de Coggins (immunodiffusion en gélose), réalisé à partir d’un prélèvement sanguin sur tube sec.
Foyer déclaré dans le Var
Le 10 avril 2025, un foyer d’anémie infectieuse des équidés (AIE) a été confirmé dans la commune de La Marte, dans le département du Var (83). Il s’agit d’un étalon Paint Horse âgé de 14 ans, détecté lors d’un dépistage réglementaire lié à la reproduction. L’animal ne présentait aucun signe clinique évocateur. Parmi les huit équidés présents sur le site, deux autres ont également été testés positifs au test de Coggins, dont l’un avait présenté des signes de fatigue durant l’hiver 2024.
Le 3 mai 2025, un foyer secondaire d’AIE en lien avec le cas index a été déclaré dans le département des Alpes-de-Haute-Provence. Il concerne une structure hébergeant une jument arabe de 8 ans, qui n’avait jamais présenté de signes cliniques. Parmi les douze équidés présents dans cette structure, tous ont été testés négatifs à l’AIE.
À ce jour, plusieurs structures réparties dans au moins cinq départements ont été placées sous surveillance en raison de contacts épidémiologiques identifiés. Des Arrêtés Préfectoraux de Déclaration d’Infection (APDI) ont été publiés pour la structure hébergeant les trois équidés séropositifs ainsi que pour celle du foyer secondaire, interdisant toute entrée ou sortie d’équidés pendant 90 jours. La levée des APDI est conditionnée par l’obtention de deux résultats négatifs, espacés de 90 jours, pour les équidés restants.
Les investigations épidémiologiques se poursuivent afin d’identifier l’origine de l’infection et d’évaluer la dissémination potentielle du virus. Les premiers dépistages réalisés parmi les équidés identifiés comme contacts du foyer du Var révèlent une méconnaissance fréquente du caractère asymptomatique de l’AIE chez les propriétaires, soulignant ainsi l’importance du dépistage systématique.
Sensibilisation et prévention
Les mesures mises en place pour limiter la propagation de l’anémie infectieuse des équidés (AIE) varient selon la réglementation propre à chaque pays. En Europe, certains États ne procèdent pas systématiquement à l’euthanasie des équidés déclarés positifs à l’AIE. À la place, ils imposent des mesures strictes d’isolement ou créent des sanctuaires pour héberger les animaux infectés. Cependant, dans ces pays, le nombre de foyers d’AIE est en constante augmentation. En France, en l’absence de moyen de lutte préventif (comme un vaccin) ou curatif, l’euthanasie des cas infectés reste à ce jour le seul moyen réellement efficace pour limiter la diffusion de la maladie et protéger les populations équines saines.
Bien qu’elle soit inscrite sur la liste des vices rédhibitoires, l’AIE reste sous-diagnostiquée lors des transactions équines. Demander un dépistage sérologique préalable pour tout nouvel équidé introduit dans une structure est vivement recommandé car cette mesure simple permet de protéger la santé des chevaux, la pérennité des élevages et la sécurité sanitaire des établissements équestres.
Adopter cette pratique c’est s’engager activement dans la lutte contre la propagation de l’AIE et garantir un environnement sain pour l’ensemble de la filière équine.
Delphine Froger, ANSES