Et si les spermatozoïdes m’étaient comptés.
29/02/2024
Vie de l'Association
Février, et tout frétille sur la « planète reproduction équine ».
Sous lumière, elles commencent à fréquenter les « barres de gynécologie » pour la saillie de début d’année. Les vétérinaires gynécologues équins attaquent gentiment la saison. La voiture est prête, la mallette de poulinage est rangée bien à sa place. L’échographe, le gel et les gants aussi. Et, comme une vieille histoire contée dans un grimoire oublié, tôt le matin, dans la brume et le froid, de haras en haras, ou dans son centre de reproduction, qu’il soit un « équin pur » ou bien souvent un mixte, il va courir après l’ovulation jusqu’à tard le soir.
Sa satisfaction passera par la saillie ou l’insémination au bon moment, par l’endométrite contrôlée puis par le rond noir à 14 jours.
Et pourquoi tout cela ? Pour la reconnaissance ? On ne lui dit pas toujours merci. Pour l’argent, certainement pas, il gagnera péniblement 2 ou 3000 euros pour 70h par semaine. Alors pourquoi ? La PASSION, oui la passion. La maitrise de son art. La vie. Participer au miracle est souvent la seule motivation qui l’anime.
En revanche, il devra assumer. Assumer les échecs dont il n’est pas responsable. Imaginer des techniques pour palier la folie de l’homme. L’éleveur, autre passionné, rêve d’un poulain couvert d’étoiles, mais issu d’un spermatozoïde que l’étalonnier, au fil du temps, regrette. Les spermatozoïdes sont de plus en plus comptés et les juments gestantes de ces spermatozoïdes percolés de plus en rare. Bientôt, le gynécologue équin en paillette ! D’aucun oseront : ce qui est rare est cher. Mais sommes-nous assez riches pour ne pas nous assurer ?
La faute à qui : l’éleveur ? Non il est consommateur passionné et il a toutes les excuses. Il faut le protéger. Qu’ils deviennent « consomacteurs ». L’étalonnier ? Non il doit faire « tourner » la boutique et on ne peut lui reprocher le business. Alors…… Le vétérinaire ? Bien sûr, il ne s’est pas levé trois fois cette nuit pour sentir l’ovulation et il n’a pas mis la paillette assez profond pour qu’elle soit efficace. Et en plus il demande un dédommagement financier pour avoir collecté les données, pour les avoir analysées et pour avoir établi une stratégie de gestion. Il est le mal nécessaire que l’on voudrait remplacer par un autre. Mais finalement pour quoi faire ?
Alors ne devrait-il pas se réveiller ? Ne pas cautionner le « non scientifiquement étayé ». Promouvoir le sensé et le raisonnable et laisser aux rêveurs et aux compteurs la responsabilité de leur décision. Résister aux usurpateurs. Vétérinaires mixte ou équins, vous êtes formidables. Vous êtes le rempart aux bonimenteurs. Vous êtes le partenaire. Vous êtes là quand cela chauffe.
Revenons à du bon sens. Echographier la jument 4 fois par 24h n’a jamais rendu la dose de spermatozoïdes fertile et n’a jamais multiplié les paillettes.
Je vous laisse méditer. Mais j’aimerais que les spermatozoïdes me soient plutôt contés que comptés. Je vais l’expliquer à mes éleveurs. Je retourne à mes juments tant que l’on me laissera encore les examiner. 30 ans de Gynécologie équine passionnée. La larme à l’œil devant un poulinage. Un sentiment profond indescriptible à la vue du J7 sous la binoculaire et du J14 au bout de ma sonde. Je vous emmènerai avec moi …… pour aussi gérer les urgences.
Laurent Mangold, vétérinaire, Vice-président de l’AVEF