Reproduction de la jument de sport
26/02/2025
AVEF Junior - AVEFjr Lyon
Pour une gestion globale du cheval de sport, il apparaît vite incontournable de se soucier de l’élevage du cheval de sport… Le cheval n’étant pas éternellement un athlète, il faut non seulement gérer sa retraite et sa fin de vie (les Inter AVEF des 29 et 30 mars sont justement là pour nous aiguiller dans cette démarche), mais encore sa croissance, sa naissance et sa mise au monde. Or qui de mieux qu’une jument de sport pour faire naître un merveilleux poulain de sport ? Cependant, cette double carrière de mère et de sportive nécessite un suivi vétérinaire rapproché…
A l’ambivalence du statut de la « poulinière de sport » répond donc l’ambivalence de la mise à la reproduction de la jument-athlète : tout à la fois un rêve pour le propriétaire et, si elle est mal menée, un cauchemar. Alors, pour rationaliser cette aventure, l’AVEF Jr de Lyon a fait appel à un ponte en la matière. C’est ainsi que le Dr Vet Laurent Mangold s’est retrouvé dans l’amphithéâtre bien rempli de VetAgro Sup, ce mardi 25 février.
Vice-président de l’AVEF dans laquelle il intervient aussi comme responsable de la commission élevage et reproduction, le titulaire d’un CEAV de médecine et chirurgie des équidés est associé dans la Clinique équine d’Argonay en Haute-Savoie, où il pratique notamment en gynécologie et reproduction, ses domaines de prédilection. La passion qui transparaît pendant toute la conférence du clinicien est donc jointe à une compétence remarquable, qui ont manifestement captivé le public, sur les bancs et à travers les écrans.
Si l’idée d’optimiser la période d’activité de la jument est alléchante, la possibilité de superposer ses carrières sportive et de reproductrice rencontre toutefois de nombreux obstacles réglementaires, éthiques et techniques.
Les normes, en effet, sont claires : chez France Galop comme pour la FEI ou la FFE, une jument ne peut courir si elle trop avancée dans sa gestation. A quel titre ? D’après la Fédération française d’équitation, le sujet a indiscutablement trait au bien-être animal. Et pour cause : comme le détaille le Dr Mangold, la mise à la reproduction n’a rien d’anodin pour la jument : stress, douleurs lors de gestes indubitablement invasifs, le tout en parallèle d’une activité sportive qui – preuves à l’appui – modifie la physiologie de l’athlète. Bien sûr, les récentes technologies dont il est question dans cette conférence (ICSI et transfert d’embryon) rendent la reproduction beaucoup moins contraignante, et une médication bien pensée peut réduire la douleur. Mais là encore la réglementation nous rattrape, car qui dit sport dit répression du dopage…
Affranchis des barrières règlementaires, il faudra encore surmonter les obstacles techniques. Or les nombreuses références savamment choisies et partagées par le vétérinaire sont assez unanimes sur les interférences (réciproques) qu’il y a entre sport et gestation. D’où l’importance d’une bonne gestion de leur succession : s’il est possible de mêler les concours aux ponctions (ou transferts), ils ne doivent en aucun cas se chevaucher. Une période de quelques semaines sans compétition doit avantageusement être mise à profit pour la reproduction. L’enjeu n’est pas seulement endocrinien (le stress du sport modifiant la physiologie de la jument) ; chez certains cas, les manipulations invasives donnent lieu à des douleurs jusque plusieurs jours après intervention. Attention cependant à ne pas imputer trop vite aux ponctions ce qui, en réalité, s’explique seulement par des dorsalgies préexistantes… Car au contraire de certaines juments douloureuses, « les ovaires, eux, ont bon dos ».
En pratique, le vétérinaire aura également intérêt à ne pas négliger, ni nier devant le propriétaire, les risques potentiels liés à la mise à la reproduction de leur jument. Des protections (astuce aussi élémentaire que déterminante) jusqu’au medical training, tout ce qui peut prévenir les risques doit être mis en œuvre. Le consentement éclairé, à ce titre, n’est pas qu’une formalité administrative ; il est une véritable nécessité éthique pour entreprendre des gestes dangereux et intrusifs. D’autant que l’éclairage de l’éleveur joue en la faveur du vétérinaire : rien de tel qu’un propriétaire conscient des risques et soucieux du bien-être de la jument pour amener une reproductrice familiarisée et préparée qui se prêtera bien mieux aux manipulations.
En somme, les réflexions éthiques du conférencier – et elles ne manquent pas pour une telle thématique – nous amènent à revenir aux évidences. Le contraste entre la technicité du sujet et le caractère intuitif de beaucoup des réponses aux questions qu’il suscite est édifiant.
Ainsi, depuis les présentations succinctes mais rigoureuses des études qui ont fait avancer son domaine, jusqu’à l’éloge du « bon sens paysan » qui fait la pertinence de tout bon vétérinaire, le Dr Mangold a embarqué son public dans un tour du monde de la gynécologie rapide mais passionnant, qui, sans prétendre à faire le tour d’une telle question en une heure, peut se vanter d’apporter toutes les clés de réflexion utiles aux praticiens. Les replays sont comme d’habitude disponibles (et conseillés) pour qui voudrait peaufiner sa culture sur le sport, la reproduction ou tout simplement sur les bases d’une réflexion de terrain sensée où le bien-être animal et l’éthique ne sont pas en reste.
Toute l’équipe de l’AVEF Jr de Lyon remercie bien chaleureusement Laurent Mangold pour son intervention captivante, autant que pour les échanges bienveillants qu’il a partagés avec des étudiants venus nombreux pour l’occasion.
La saison sportive commençant justement, les adhérents lyonnais de l’AVEF reprennent un rythme intense en cette fin février : jeudi 27, ils reprendront déjà la direction de l’Hippodrome de la Soie pour une visite guidée de ce haut lieu des courses. De quoi avoir une vision très globale et sous tous les angles du cheval de sport…
Illustration Pierre Milon : www.pierremilon.com